interview


mouvement, septembre 2001, n°17, interview by Philippe Frank, transculture

Comment en êtes-vous arrivé à partir d'un laboratoire d'architecture et d'urbanisme créé à la sortie de vos études à cette notion de " metadesign" qui investigue l'implication des nouvelles technologies dans ces domaines et où l'information se fait matière première et l'espace électronique ?

L'architecture et l'urbanisme constituent avant tout des disciplines structurelles d'organisation spatiale et temporelle de relations sociales, économiques, politiques... mais elles constituent aussi des systèmes sémantiques, parlant de signe, de langage et de code. De cette manière elles agissent simultanément sur un niveau d'abstraction et de formalisation / représentation de systèmes spatio-temporels dynamiques et fluctuants tant à l'étape de la conception (outils) que sous leurs formes réalisées. Par exemple la gestion de flux infrastructurels et la signalétique ou les flux de déplacement et la structure d'un bâtiment montrent déjà la complexité de ces relations entre structure et système, fonction et forme, signe et langage, etc. Les flux information constituent une organisation spatio-temporelle de données, mais les processus d'inFORMation, computation et communication, incorporent aussi des systèmes sémantiques et des langages de programmation. Il existe donc toute une série de relations que l'on peut tisser entre l'architecture et les nouveaux media que ce soit au niveau de la structuration où de la visualisation d'information comme les interfaces graphiques (software), des interfaces hardware, de l'architecture de l'information (réseau), des systèmes de navigations où de la réalisation d'espaces électroniques proprement dis (espace - interface). Nous avons exploré ces différentes relations à travers des travaux comme 'hypertextual environments' (espace - mémoire , structure - pensée), les datascapes (cartographie 2D et 3D et flux d'information), l'avatararchitecutre (espace et perception - cognition), DNarchitecture (structure d'information - identité / représentation) ou eSPACE CONSTRUCTionS (réseau - territoire - espace).

***************************************************************************************************

Quelles incidences ont vos recherches et textes théoriques dans votre pratique d'architectes/urbanistes électroniques ?

Au moment de la création de Lab[au] nous avions l'objectif d'associer à des travaux de réalisations et de conception architecturales et urbanistiques un espace de réflexion et d'écriture théorique. Ce besoin était d'autant plus grand que les ntic effectuent des transformations profondes sur des structures spatio-temporelles et la notion d'espace même que ce soit au niveau perceptif, cognitif ou mental. L'écriture constitue pour nous un moyen d'évaluation et un vecteur de conception qui permet d'articuler et de réfléchir la complexification et la diversification du concept d'espace et de la définition même d'une discipline, ce qui nous amène à l'heure actuelle à parler de 'Metadesign' plutôt que de l'architecture et de l'urbanisme. De cette manière l'écriture a pris un place importante dans l'élaboration de nos travaux d'autant plus que nous considérons que tout propos artistique relève d'une méthodologie directement liée à la logique même d'un médium lequel détermine préalablement toute forme de conception. Nous cherchons donc à travers l'écriture et nos projets une synthèse entre technologie, science et art. Cet objectif est déjà présent dans notre nom, LAb[au], entre labo-ratoire et la-bau, tissant une relation et une référence directe avec le bauhaus qui pour nous constitue le moment clé du 20e siècle dans cet enjeux.

***************************************************************************************************

Dans un article récent intitulé " Je clique donc je suis ", vous placez l'hypertexte dans une perspective historique et évoquez son ancêtre le " memex ", un système d'archivage inspiré par le fonctionnement de notre mémoire, inventé en 1945 par Vannevar Bush, qui, grâce à la technique de microfilm, permettait la consultation instantanée et simultanée de plusieurs documents stockés, induisant de cette manière une lecture transversale permettant de faire des commentaires, d'établir des liens entre des documents et de les sauvegarder. En quoi une histoire des technologies de l'information qui reste à écrire et dans lequel ce texte pourrait figurer, pourrait-elle éclairer les utilisateurs d'aujourd'hui ?

Tout d'abord , nous sommes dans une révolution technologique, nous passons de la société industrielle à celle de l'information et comme l'industrialisation à engendré des transformations profondes sur les structures sociales, spatiales, politiques, cette révolution fera de même et nous ne nous trouvons à l'heure actuelle qu'au début de ces transformations. Donc ce qui nous intéresse dans la relecture de ces différents personnages clés de la constitution des sciences d'information et des sciences cognitives (en rapport au science humaine) c'est leur vision positiviste, engagée et visionnaire de la technologie, la définition de ce pourquoi elles ont été conçues, de ce qui a été le déclencheur de leur développement, un aspect qui est la plupart du temps oublié et qui nous permet en dehors des phénomènes actuels, généralement parasités et sans rapport essentiel avec la technologie, d'en réfléchir les enjeux. Ou pour le dire différemment c'est principalement à travers leurs méthode d'analyses des media, souvent décrite comme media déterminisme, que l'on permet une compréhension de la technologie et en conséquence de toute possibilité de construction , de constitution d'un projet global. C'est donc cette méthodologie et déterminisme que nous recherchons à travers cette lecture, écriture.

***************************************************************************************************

En quoi l'évolution d'une narration non-linéaire et d'une (trans) architecture entre réel et virtuel sont-elles liées ?

L'hypertexte n'est pas un système narratif mais un système de structuration spatio-temporelle de donnés qui incorpore dans sa structure les instructions nécessaires à la formalisation de ces données sur un écran. C'est à ce niveau que nous parlons de l'hypertexte et des structures d'inFORMation, comme un système d'organisation multilinéaire et multitemporel des flux d'information et comme expression d'une pensée réticulaire. Nous nous tenons donc à cette définition anglo-saxonne d'origine telle que Vannevar Bush dans son travail du 'memex' et Ted Nelson dans son projet de 'Xanadu' l'on déterminée, une meta-structure d'indexation et d'association de données. Mais c'est à ce niveau structurel et sémantique d'organisation de flux d'information et des transcription de processus de communication et computation sous forme textuelle, graphique où multidimensionnelle que des rapprochement à l'architecture, où parlons plutôt du meta-design sont possibles. Donc si nous parlons d'une architecture d'information et de l'hypertexte c'est à cette échelle de meta-information et meta-langage et de la constitution d'un espace d'information à travers ces processus. Le rapprochement entre des modes de communication (l'hypertexte) et des modèles spatiaux est donc un questionnement par rapport à la mutation structurelle et sémantique de la notion d'espace et du territoire. C'est aussi pour ces raisons que nous portons beaucoup d'intérêt aux sciences cognitives, elles nous permettent d'élargir la conception d'espace au système perceptif au cognitif, abolissant la notion d'espace électronique comme simulation mais plutôt comme une extension, une multiplication de forme de langage, de réalités.

***************************************************************************************************

Marcos Novak parle d' " architecture liquide ", celle de l' " après territoire " qui " jette un pont entre le concept et sa manifestation ", que recouvre ce terme pour vous, architectes de l'hypertexture ?

Les technologies digitales se basent, à travers les processus de communication et de computation, sur une structure temporelle et spatiale de données déterminant toute inFORMation ( texte, image...) comme issue de processus qui s'effectuent à chaque accès. La production, la visualisation...de l'information dépend donc de ces processus d'information instaurant l'instantanéité dans l'accès et dans la formalisation des données, ces processus s'effectuent donc indépendamment du lieu où de l'espace. Mais parler d'une structure malléable ce n'est pas uniquement relevé la structure temporelle des processus d'inFORMation mais c'est aussi parler de l'inscription de donnée dans un support de stockage où plutôt de la perte d'une inscription fixe et unique. Chaque inscription sur le support électromagnétique où magnéto-optique, enregistrement/transformation de données, peut s'effectuer sur une partie déjà inscrite, c'est donc la perte de trace où d'inscription. Cette structure malléable de l'information du médium digital à des conséquences énormes en ce qui concerne la conception même de l'information, parce qu'elle est devenue processus et système, c'est la transformation de toute information comme une formalisation temporelle. Que ce soit au niveau de la mémoire (stockage) de la structuration où de visualisation de données tout devient transformable, liquide, dynamique pas uniquement dans l'espace mais aussi dans le temps induisants des toute nouvelles conception d'espace, du savoir...

***************************************************************************************************

Dans la description de votre récent projet space navigable music, vous parlez d'espace e-motionnel et de rencontre entre perception et cognition Pouvez-vous détailler ce propos ?

Si on parle d'espace électronique c'est parler d'une expérience d'espace moins physique que mentale et cognitive, de la stimulation de notre système neuronal et de la constitution de comportements à travers ceci. Il s'agit donc de la constitution de notion d'espace à travers une expérience mentale. Si nous expérimentons l'espace électronique nous agissons à travers une caméra devenue notre oeil, un oeil électronique qui conditionne notre perception d'espace. L'expérience de l'espace découle donc des mouvements de caméra (motion) et des structures de déplacement (movement patterns) influençant nos comportement (interaction) - émotion. C'est à ce degré que nous nous intéressons aux techniques cinématiques, pour produire une expérience de l'espace à travers des processus cognitifs liés aux mouvements de camera et de montage. Dans ce médium ces techniques conçoivent l'espace comme une structure spatio-temporelle non linéaire et multi-temporelle déterminant une toute nouvelle conception - perception de l'espace. Concevoir l'espace électronique, c'est donc travailler sur ces structures spatio-temporelle en rapport au processus cognitifs et mentaux et comment ils influencent à travers le déplacement (motion) nos actions (emotion) - e-motional space. Dans le projet space navigable music toute une série de fichiers permettent d'expérimenter ces relations entre camera, montage et espace ; chaque utilisateur peut de cette manière produire une séquence " filmée " à travers l'espace éléctronique par le simple vecteur du déplacement et l'enregistrement de points de vue et de mouvements, c'est la conception d'une architecture cinématique celle de l'e.space.

***************************************************************************************************

Espace et temps sont également les paramètres de la musique qui est une dimension que vous intégrez aujourd'hui dans votre dispositif space navigable music pour la rendre elle aussi hypertexture malléable dans lequel le créateur/auditeur pourrait naviguer...Dans le champ musical actuel, on parle notamment avec la musique électronique d'architecture sonore. Qu'est-ce qui vous pousse aujourd'hui à travailler, dans ce projet ébauché en mai dernier au Festival de Cannes, à l'intersection de ces deux disciplines ?

Une des particularités du médium digital est la réduction de toute information à un signal binaire, que ce soit une image, un texte, l'espace ou un son - toute donnée est enregistrée sous forme d'une séquence binaire permettant la computation (formalisation, organisation) à travers des langages de programmations et la communication à travers des réseaux grâce à des protocoles de transmission. C'est donc le médium à travers ces logiques et ces processus d'inFORMation qui unifie l'information tant au niveau structurel qu'au niveau sémantique. Parler d'un hypermedia c'est donc parler de cette relation programmatique à l'intérieur d'une structure spatiale et temporelle entre les données et l'information, donc également entre les différents types de formalisation, textuelle, visuelle, sonore. A cet égard nous parlons de 'recombinant realities' http://www.lab-au.com/files/doc/a61.htm et comment la computation permet la combinaison de ces différentes informations aux travers de ces relations programmatiques. Le plus important à comprendre est qu'il s'agit d'une relation structurelle et non pas métaphorique où d'analogie. Dans l'hyper media, l'image et le son sont les principaux vecteurs de diffusion, un aspect qui nous intéresse parce qu'il entretiennent tous deux un rapport similaire à l'espace, à travers lequel on peut donc construire une cohérence et des relations. La conception du projet sPACE se base sur ces relations programmatiques et le principe de recombinaison de données à travers un langage de programmation 3D le Vrml, virtual reality modling language, entre le son, la couleur, l'image, le texte et l'espace. Le principe du projet est la computation de données liées à l'interaction avec l'espace électroniques (xyz) et du mouvement (t) qui deviennent des instructions de formalisation sonore et visuelle pour produire des soundscapes, une musique navigable. De cette manière chaque utilisateur mixe en temps réel à travers la navigation dans l'espace électronique, le son, la couleur et l'image, une interaction qui aboutit lors de l'enregistrement à une forme hybride de " clip " musical, parce qu'il existe un lien perceptif et une cohérence entre l'image et le son et que leur support commun est l'espace électronique. Cette formalisation spatiale de séquence d'image et du son constitue donc une sorte de meta-architecture, fusionnant l'espace, l'image et la musique dans un seul médium.

***************************************************************************************************

Contact Store Facebook Projects pdf en | fr | nl
History

Metalab02 History Navigator (requires the Adobe Flash Player 8+).