Magazine


art-meme nr.14
the Art review of the french community of Brussels/Walonia, Belgium

title of the article:
Metadesign et hypermédia
January 2002

Article by : Pierre-Olivier Rollin following an interview with LAb[au]
Language: french

illustrated projects:
i-skin, electronic bodyness,
worldebt, you can count on it
space navigable music

article:

Metadesign et hypermédia

Présenté comme un " laboratoire d'architecture et d'urbanisme " existant aussi bien comme une association sans but lucratif d'artistes, architectes et de programmeurs que tel un label indépendant d'auteurs, LAb[au] se veut aussi et surtout un espace de réflexion critique et de conception centré sur le développement et les conséquences des nouvelles technologies de la communication et de l'information (NTCI) dans le concept même d'espace, au sens large du terme. Motivés par la nécessité d'une compréhension structurelle de leur médium, exempte de fascination ou de répulsion " Nous sommes, pour paraphraser Salman Rushdies, " optimistes sans aveuglement et pessimistes sans


fatalisme " Manuel Abendroth, Jérôme Decock et Alexandre Plennevaux passent au cible les NTCI, dans une perspective élargie (sociale, économique, politique etc.) afin de définir une nouvelle pratique de l'architecture et de l'urbanisme : le Metadesign. L'appellation adoptée par le collectif LAb[au] et sa formulation visuelle postulent d'emblée une articulation de deux termes qui peuvent, selon les systèmes, apparaître contradictoires, concomitants ou complémentaires. Conjonction du " lab " de laboratoire et du " bau " de la construction, le terme " LAb[au] " matérialise l'articulation critique d'une réflexion théorique, LAb[a u], et d'une pratique créatrice spécifiquement appliquée aux NTCI, La.Bau. Réflexion critique et conception créatrice générant une nouvelle discipline, dérivée de l'architecture et de l'urbanisme dans leurs acceptions les plus étendues, et baptisée, en référence complice à El Lissitsky cette fois, le " Metadesign ", qui permet l'appréhension d'un nouveau concept d'espace propre au médium électronique.

" Le Metadesign est une discipline et une méthodologie axée sur la structuration et la transcription sous forme textuelle, graphique ou spatiale des processus d'inFORMation (1), computation, communication et édition (stockage). Basé sur l'analyse structurelle, sémantique et conceptuelle des média, le Metadesign ne constitue pas seulement une approche théorique, il vise aussi à l'élaboration et à la production de travaux considérant et conceptualisant les spécificités d'un médium, modalités perceptives et cognitives. Le Metadesign constitue ainsi une approche basée sur la conception de nouvel espace, appelé "e.space CONSTRUCTionS".

"Dans la tradition du Bauhaus qui instaurait l'architecture en mère tutélaire de tous les arts, LAb[au] considère cette discipline -entendue jusqu'à l'urbanisme- comme la plus apte à mettre en place les outils de structuration nécessaire de l'espace virtuel, toutefois considéré non comme un monde à part, mais comme partie intégrante et indissociable de l'espace tangible.

" La transformation par les codes et les protocoles de transmission ainsi que la gestion et structuration


de l'information deviennent les paramètres incontournables et le fondement de nouveaux concepts d'espace. Dans le contexte d'un réseau global saturé en informations dont la topologie mouvante défie l'imagination des concepteurs qui tentent de la représenter, l'architecture ne concerne plus la conception de bâtiments mais la structuration de l'information. Cette structuration (metadesign) implique la construction d'espaces, d'interfaces, la gestion de l'information et la conception des outils nécessaires à leur conception, justifiant un intérêt ou un engagement des architectes et des urbanistes dans ces recherches. "

Medium is message
Dans un livre récent, Lawrence Lessig, conseiller du gouvernement américain dans le procès qui l'opposa à Microsoft, compare également le code informatique du cyberspace à un schéma urbanistique. On retrouve, dans ses deux exemples, l'Internet et le Paris tel que le transforme Haussmann à la demande de Napoléon III, l'usage de l'architecture comme instrument de régulation, favorisant simultanément la circulation et le contrôle des flux.
" Il est indéniable que l'Internet est structuré comme une architecture urbaine, avec ses enjeux politiques explicites de circulation et de contrôle. Mais cette comparaison omet l'essentiel, c'est-à-dire les différences entre les termes de la métaphore. Dans une structure urbaine, par exemple, la distance est un paramètre fondamental. Cette notion de distance n'existe pas dans l'Internet, car elle se réduit à une proximité immédiate qui est d'ordre temporel : l'instantanéité. Autre exemple, qu'est ce que la territorialité ? Une ville se définit essentiellement par un territoire, pas l'Internet. Le vrai lien entre les questions architecturales et urbanistiques et les NTCI repose sur la méthodologie d'analyse et de structuration d'un espace de flux, circulatoires ou d'informations. "

Si le Bauhaus fut ce moment où les conséquences du développement industriel reçurent leurs premières formes de réponse, LAb[au] veut se situer au cœur même des mutations ou bouleversements structurels (économiques, sociaux, politiques etc.) qu'imposent aujourd'hui les NTCI.


L'approche est certes très empreinte de thèses " mécanistes ", héritée des penseurs précurseurs qui formulèrent les premières réflexions sur les sciences informatiques (Mc Luhan, Flusser etc.), et n'aborde dès lors que par le détour les formes de domination qui persistent dans le corps social et qui se reproduisent au gré des transformations de la société. Il n'empêche : toute technologie modifie notre rapport au rapport au monde. Mais dans quelle mesure ?

" En tant que médium, toute technologie exerce un impact direct sur nos modes de communication, mais aussi sur la perception et la compréhension que nous avons de l'environnement et par conséquent sur notre manière de penser, de dire et surtout de construire cognitivement l'univers. Annoncé par l'avènement des réseaux, le passage d'un mode de communication à un autre -du texte à l'hypertexte et aujourd'hui à l'hypermédia- ne marque pas simplement le passage d'une technologie à une autre, mais plus radicalement le passage d'une pensée cartésienne et structuraliste à une pensée en système autoréférentiel et, surtout, autopoïétique. "

Pensée linéaire et reticulaire

Se dévoile ainsi l'articulation la plus complexe postulée par l'appellation " LAb[au] " : celle de cette réflexion théorique, produite par un système de pensée historié (le nôtre) et régulièrement formulée par l'écriture alphabétisée, avec ses diverses conséquences (perspective centrale, théâtre renaissant, rhétorique etc.) et son objet d'investigation, les NTCI, qui par définition ne répondent plus aux structurations linéaires de ce système, mais développent des liens multilinéaires ou multiséquentiels temporaires.
Les paradoxes apparents d'une pensée formulée selon l'écriture sur un objet générant une pensée réticulaire qui échappe à la structuration alphabétisée, se résout dans sa complémentarité à une pratique globalisante, capable de surmonter ces antinomies systémiques. Conséquences de la socialisation actuelle, la pensée logique reste un héritage assumé, mais son application aux


conséquences structurelles de l'explosion des NTCI, se double de projets urbanistiques, scénographiques ou purement digitaux (les " hypertextural environments "). Le Metadesign s'entend alors comme la liberté de recréer de nouvelles linéarités dans l'immensité des possibilités d'enchaînements.

Pierre-Olivier Rollin
(1) La " perte d'inscription " opérée par le passage d'un média analogique à un média digital entraîne la transposition de toute forme, y compris spatiale, en séquence d'informations digitales (bit/seconde), donc temporaire et évanescente. Processus exprimé par le graphisme : FORM > inFORMations

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