Magazine


ddo nr.31
Le doigt dans l'oeil

french magazine about contemporary creation
01.02.1998

article: 'Propos échangés'
by: François Andrieux
article about the discussion between Xavier de Geyter and the Lille01 team
in the context of the exhibtion
Lille01_ realite - fiction
Espace Croisee

article:
L'Espace Croisé accueille, depuis le 29 janvier, l'exposition «Lille 98/réalités fictions» qui présente sept projets d'architecture-fiction dans le paysage urbain de la métropole lilloise.
Simultanément, Euralille dévoile son projet pour l'îlot Saint-Maurice.

Il s'agit d'une étude prospective et polémique menée dans l'atelier de Marcel Pesleux et Patrice Neyrinck à l'école de La Cambre de Bruxelles en 1997. Partant de l'hypothèse confirmée depuis, de l'échec de la candidature olympique, les étudiants ont analysé les enjeux et projeté des scénarios sur le site intercalaire de la frange Est de Lille, un territoire idéalement vacant en termes immobiliers, parcouru par les infrastructures (voies ferrées, périphérique et autres réseaux).

Paysage fragmentaire
Sceptiques quant au statut métropolitain de la ville, les étudiants ont préféré le terme d'agglomération


pour décrire la réalité hétérogène et fragmentée du grand Lille. Dans un premier temps, fascinés par l'ampleur du territoire, ils ont représenté ce long intervalle comme un delta, un fleuve « Dans ce contexte hétérogène et à cette échelle de territoire, la mosaïque bigarrée des sept propositions répond finalement assez bien à cette injonction plurielle et paradoxale du site. On peut ici se demander si le «collage» proposé ne relève pas, par un curieux effet de retour, d'un assemblage caractéristique des processus métropolitains ?

Dans un second temps, les étudiants ont suggéré une série de programmes alternatifs aux équations traditionnelles habitat/activités/bureaux. Ils proposent des interventions plastiques. (art urbain), des jardins ouvriers, une ferme écologique... Cet imaginaire programmatique sert de manière sans doute trop directe, le propos paysager. Par contre, la dimension polémique de la proposition s'en trouve renforcée : peut-on instaurer de nouvelles pratiques sur ce type de lieu ? A l'heure où la distinction ville/campagne parait s'affaiblir, en plein règne de 'l'Urbain généralisé' dirait Françoise Choay, réintroduire une ferme «écologique» au coeur de la métropole ne manque pas de piment.

L'ilot ouvert de Saint-Maurice
Parallèlement, mais dans un contexte opérationnel cette fois, la SAEM Eurallile a dévoilé le «projet cadre» d'urbanisme sur l'îlot Saint-Maurice réalisé par une équipe d'architectes franco-belge Olivier Laloux et Jean-Philip Lebecq (Roubaix)/Xaveer de Geyter (Anvers) associés à Fabienne Fendrich (paysagiste à Lille). Il s'agit ici du premier maillon du développement d'Euralille, au-delà de «la turbine tertiaire» qui articulera la ville et les faubourgs sur un programme mêlant logements, activités et commerce. Le projet se fonde sur le principe de l'îlot ouvert. Il est le croisement subtil d'un bâti organisé en bande parallèle, orienté sur les tracés du faubourg Saint-Maurice et du tapis végétal, inscrit dans la continuité verte dominant le site et son contexte. L'étroite imbrication du patrimoine végétal soigneusement analysé, avec un bâti exceptionnellement dense (200 logements à l'hectare), confère au projet une étonnante fluidité. L'intention ménage les continuités paysagères et urbaines,


tout en proposant une identité propre à l'îlot, une identité construite sur la mixité et la variation. La topographie ondulante du terrain, les différences de niveau avec le périphérique, fixées par la nécessité de conserver les arbres existants, introduisent le second motif du projet : entre les logements aériens et le sol mouvementé viennent s'intercaler deux niveaux de rez-de-chaussée où alternent parking, activités et commerce. L'organisation des bâtiments en bande joue sur le thème du créneau. Les volumétries variées s'imbriquent pour former un profil et des séquences urbaines contrastés.

Les enjeux de l'intervalle
Si la comparaison des deux projets n'a pas de sens en soi, étant donnée la différence de contexte de production, leur coïncidence dans le temps et l'espace appelle sans doute quelques remarques.
En premier lieu, elle désigne l'actualité de ce territoire et les enjeux urbains qu'il implique. Après le TGV, Eurallille et ses développements futurs, après le mirage des JO, il paraît nécessaire d'amorcer une réflexion sur l'avenir du site et de son statut, d'en définir les modalités théoriques mais aussi les acteurs.
En second lieu, les projets désignent sous forme de constantes, quelques axes et thématiques prometteurs : . Comment penser l'articulation entre la ville et les faubourgs ? Les deux projets insistent sur la nécessité de considérer l'identité propre du site, et d'assumer l'intervalle en proposant une forme alternative d'urbanité. On peut rappeler que Berlin, toutes proportions gardées, et sur les traces d'une autre forme de remparts, avait pris le parti controversé, d'effacer l'intervalle historique.
. Comment penser ce territoire en terme de paysage et d'étendue, poser la question de la densité sur ce site, et envisager son hybridation avec des formes de paysage ? Les deux projets semblent confirmer le principe de fragmentation comme condition de formation d'un nouveau paysage urbain. L'agencement de ces îlots, de ces «grandes plaques», renvoie singulièrement aux principes psychogéographiques des situationnistes qui semble être une des conditions de formation d'un nouveau paysage urbain. François Andrieux


Propos échangés

Nous proposons ici quelques fragments d'un échange qui a eu lieu entre les protagonistes des deux projets à Bruxelles le 23 décembre dernier.

Les grands îlots
Xaveer de Geyter: «Euralille, tel qu'il a été construit jusqu'à maintenant, peut être défini comme une forme d'urbanité qui est vraiment dominée par les infrastructures. Celles-ci créent des îlots occupés de manières très différentes, plus ou moins denses, avec des fonctions distinctes[ ... ] Après tout, on peut dire avec tout ce qui a marché et ce qui n'a pas marché, que, au moins, il y a cette définition très claire et partiellement isolée de chaque îlot. Alors pour nous, même s'il est assez restreint en surface, ce terrain devait s'adapter à cette logique et constituer un de ces grands îlots d'Euralille. C'est aussi le premier projet d'Euralille qui essaie de joindre la ville existante avec la ville nouvelle. Il fallait dès le début s'adapter et donner une réponse à cet état contradictoire des choses : la ville avec sa cohérence interne, les faubourgs avec leur forme et leur réseau irréguliers.»

L'intervalle comme transition
Jean-Philip Lebecq: «L'enjeu est clairement d'établir le lien, c'est la question qui nous était posée. Le programme consistait à densifier ce lieu avec ses 80 000 m² construits, densifier, relier les faubourgs au centre-ville tout en préservant le paysage, le tout sans toucher aux infrastructures. Le débat s'est joué sur la transition urbaine entre le nouveau centre d'Euralille, avec sa typologie élevée et ses grands îlots, et les faubourgs dont l'urbanisme est plus aléatoire, moins dense et les typologies peu élevées. Notre proposition consiste à superposer ces deux typologies urbaines différentes sur le terrain, sans chercher à faire du mimétisme. Il fallait éviter par exemple, de ramener les faubourgs contre le périphérique, ou à l'inverse d'étendre le centre moderne très élevé pour repousser les limites ailleurs. Nous avons superposé sur le terrain ces deux échelles de construction en exploitant la


topologie mouvante du terrain. Nous proposons un intervalle horizontal entre Euralille et les faubourgs, et un intervalle vertical entre le terrain «naturel» et l'habitat.»

Le fragment comme paysage
François Thiry (la Cambre) : «L'échelle du territoire nous a fascinés, c'est pourquoi on n'a pas pu utiliser les outils qui relèvent de l'architecture ou de l'urbanisme structuré (plan masse). On a du alors avoir recours comme des autodidactes, à des méthodes fragmentaires qui appartiennent plus au paysage ou à d'autres domaines. Il y a certainement au départ une méprise sur les échelles qui est devenue intéressante, c'est à dire qu'on a pris une échelle trop grande qui nous a absorbés. On s'est alors aperçu qu'avec les outils traditionnels de l'urbanisme, on n'aboutissait pas.»

Manuel Abendroth (la Cambre): «Au lieu de penser en permanence en terme de densité, nous avons essayé de penser en terme d'étendue. C'est quelque chose d'important dans tous les projets. On a mis 6 mois pour essayer de comprendre la dimension de ce territoire. Les outils qu'on a du utiliser relèvent donc soit de l'éclairage de la très grande échelle, soit du signe urbain, ou encore de la logique publicitaire. C'est une échelle inhabituelle, amorcée par les infrastructures, une échelle qu'Euralille prend en compte par exemple. Mais sur l'ensemble du site, il demeure réellement un impensé à cette échelle de territoire là.»

* Lille 1998/réalités fictions jusqu'au 25/04, du mardi au samedi de 13h à l9h Espace Croisé, Allée de Liège, Euralille, Lille.
* L'exposition présentera également deux installations de Marin Kasimir et David Evrard.
* Une table ronde à partir de l'exposition est organisée le 13/02 à 15h30 à l'Espace Croisé, avec l'école de La Cambre, l'école d'Architecture de Lille, l'école des Beaux-Arts de Valenciennes et le studio du Fresnoy.
* Le projet de l 'îlot Saint-Maurice est publié dans le AMC n°84 de novembre 97.

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